Marier Justine
C’était pendant les études d’un vaudeville dont l’héroïne, qui avait nom Justine, devait tout naturellement épouser, à la fin de l’acte, l’amoureux affolé qui avait soupiré après elle pendant trois quarts d’heure. On était à l’une des dernières répétitions, le dénouement paraissait languissant, et le directeur, assis sur une chaise à l’avant-scène, à côté du trou du souffleur, donnait depuis un instant des signes visibles d’impatience. Tout d’un coup il se lève, va droit à l’auteur, et lui dit un peu brusquement : « Mon cher, ce n’est pas tout ça ; votre dernière scène est trop longue ; ce dialogue-là est froid en diable, et si nous n’arrivons pas à chauffer le dénouement, nous serons empoignés. Il n’y a qu’une chose à faire, c’est de couper toute cette conversation, qui après tout n’est pas intéressante, et de marier Justine tout de suite. » Ainsi fut fait, et le résultat prouva que le directeur avait raison. Mais depuis lors cette expression étrange et tout d’abord incompréhensible : Marier Justine, s’introduisit dans la langue du théâtre ; et quand une longueur se faisait sentir dans une pièce en répétitions, chacun réclamait la coupure en disant : Il faut marier Justine.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885
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