Manière

Nom féminin
Façon, habitude d’opérer particulière à un artiste, ou à une Ecole, c’est-à-dire aux artistes qui ont adopté les méthodes, les procédés techniques particuliers aux maîtres que cette école reconnaît pour chefs. On dit d’un tableau qu’il est dans la manière du Titien, de Michel-Ange, des Caraches, dans la manière de l’Ecole flamande, hollandaise, italienne, etc. Le mot manière, pris en ce sens, ne comporte aucune idée défavorable, si ce n’est tout au plus celle de défaut d’originalité dans le faire. Il n’est guère de peintre, pour peu qu’il soit habile, qui n’ait sa manière à laquelle on reconnait plus ou moins facilement ses ouvrages, et rien n’empêche que cette manière ne soit grande, large, belle et hardie, comme aussi elle peut être petite, étroite, timide. Assez généralement on remarque dans la carrière des peintres d’un certain ordre trois manières ; la première, qui est celle de l’Ecole à laquelle ils se sont formés ; la deuxième qu’ils se sont faire, en se laissant aller à l’impulsion et en se confiant à la vigueur de leur génie ; la troisième, qui se sent de la décadence de ce génie, et qui assez souvent un retour vers les habitudes premières, un mélange de la première et de la deuxième manière, l’une et l’autre affaiblies, parce que les organes de la vue et du toucher ont perdu de leur finesse.
Cette succession de trois manières a surtout été remarquée dans Raphaël, avec cette différence que, pour lui, la troisième manière, terme de sa brillante et rapide carrière, a été la perfection de l’art.
Par manière, pris dans un sens absolu, on entend aussi une habitude essentiellement vicieuse, une sorte d’affectation dans la composition et dans le faire.
Ainsi le mot manière se prend en deux sens ; lorsque l’on parle de la manière d’un peintre ou d’une Ecole, on entend le caractère particulier, défectueux ou louable, qui distingue les ouvrages ou louable, qui distingue les ouvrages de ce peintre ou de cette Ecole ; et , lorsqu’on dit qu’un peintre a de la manière, on entend qu’il s’est fait une pratique qui ne tient qu’aux mauvaises habitudes qu’il a contractées, et qui l’éloigne de la nature (Voir Facture).
Edouard Rouveyre Comment apprécier les croquis, esquisses, études, dessins, tableaux, aquarelles, pastels, miniatures. Librairie G. Baranger fils, 1911

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