Coulisses
Nom donné
- 1° aux pilastres ou châssis mobile placés sur les deux côtés de la scène, de distance en distance, et qui par l’effet de la perspective, servent à compéter la décoration ;
- 2° aux intervalles qui séparent ces châssis.
C’est par les coulisses que les acteurs entrent sur la scène et en sortent. Autrefois, des banquettes adossées contre les coulisses embarrassaient les acteurs, entravaient l’exécution dramatique et détruisaient toute illusion. Là se plaçait un public privilégié. Ces banquettes furent supprimées à la Comédie-Française en 1759, et disparurent un peu plus tard des autres théâtres.
Il serait à souhaiter
- 1° Que les coulisses fussent fermées, afin qu’une partie des spectateurs n’en aperçut pas l’intérieur, ce qui nuit excessivement à l’illusion dramatique ;
- 2° que l’on n’admit dans les coulisses aucune personne étrangère au théâtre.
On entend encore par coulisses tout ce qui est relatif à l’administration intérieure et au régime des théâtres, aux habitudes, à la moralité des comédiens, à leurs procédés, soit entre eux, soit envers le public et les auteurs dramatiques. De là sont venues les locutions : tripot de coulisses, intrigues de coulisses, bruits de coulisses, nouvelles de coulisses, argot de coulisses.
Anecdote : - Néron est un chien superbe, un véritable terre-neuve, aussi fidèle qu’intelligent.
Aussi sa maîtresse, une actrice de province, l’a-t-elle fait admettre dans les coulisses, quand elle joue, ni plus ni moins qu’un abonné ou un journaliste.
Assis gravement comme un fin connaisseur, il regarde jouer sa maîtresse, mademoiselle D…, et semble approuver par de gracieux mouvements de tête le jeu de l’artiste.
Un jour, il se permit d’aboyer en signe d’applaudissement, ce qui fit rire la salle entière. Sauf cette petite velléité enthousiaste, on n’a jamais en rien à lui reprocher.
Sa décence et sa bonne tenue lui ont maintenu l’estime du directeur et son entrée au théâtre.
Mais Néron, quoique aimable avec toute la troupe, n’aime que sa maîtresse, et ferait un mauvais parti à quiconque ne lui plairait pas.
Or, comme on jouait, un jour, un drame à grands fracas, le poison, le poignard, l’épée et les malédictions allant leur train, mademoiselle D…, la maîtresse du beau Néron, se faisait applaudir à outrance, tant son jeu était naturel, et tant ses yeux roulaient dans leur orbite.
Le traître don Rafalos allait la poignarder, et déjà il levait son poignard de fer-blanc sur la poitrine de l’actrice, lorsque Néron, qui suivait tous les mouvements de la scène d’un regard de plus en plus courroucé, s’élança sur le meurtrier Rafalos, qu’il étreignit à la gorge, et qu’il renversa privé de sentiment.
Ce ne fut qu’un cri d’effroi dans la salle et sur la scène ; les actrices s’enfuirent épouvantées ; les musiciens riaient, les spectateurs croyaient qu’on jouait le Chien de Montargis, et criaient bravo au terre-neuve, vengeur de l’innocence.
Cependant Néron ne lâchait pas don Rafalos et allait bel et bien le dévorer à belles dents, si sa maîtresse ne l’eût arraché à sa colère, en tâchant de lui faire comprendre que tout cela n’était que pour rire, et que Rafalos était le meilleur garçon du monde.
Le chien lâcha subitement sa victime, mais la regarda de travers en lui montrant ses crocs, pour l’engager à ne pas plaisanter ainsi avec sa maîtresse devant lui, et tout rentrant dans l’ordre, on put continuer le spectacle si singulièrement interrompu. Néron ayant reconnu son tort, allait de l’un à l’autre, et semblait demander pardon de sa sottise.
Dès que la toile fut baissée, le public rappela les acteurs, sans oublier Néron, qui reparut sans se faire prier.
Depuis ce jour, il est encore plus aimé, mais on lui a retiré ses entrées au théâtre.
Encyclopédie de l'art dramatique / par C.-M.-Edmond Béquet - 1886
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