Constantini (Mézetin)

Angelo Constantini, né à Vérone en Italie, prit fort jeune le parti de la comédie et joua d’abord avec succès le rôle d’Arlequin, qu’il avait adopté en montant sur le théâtre. Vers l’an 1681, il passa en France. Au commencement de l’année suivant il débuta à Paris dans l’ancienne troupe italienne pour doubler le fameux Arlequin Dominique Biancolelli ; mais comme ce dernier quittait peu son emploi, Constantini imagina un nouveau personnage moitié aventurier, moitié valet sous le nom de Mézetin . La mort de Dominique ayant obligé ses camarades à cesser leur spectacle, ce temps fut employé à chercher des moyens pour remplacer le vide que cet excellent acteur faisait dans la troupe. Enfin le premier septembre 1688, les comédiens italiens rouvrirent leur théâtre, et Angelo Constantini reprit le masque d’Arlequin. Mais Gherardi ayant été quelque temps après agréé du public dans cet emploi, Constantini reprit son emploi de Mézetin, qu’il continua jusqu’à la suppression de ce théâtre en 1687.
Cet événement obligea Constantini à passer à Brunswick pour se joindre à une troupe italienne qui y était alors et dans laquelle il joua le rôle de Mézetin. Le roi de Pologne Auguste Ier, électeur de Saxe, qui avait entendu parler avec éloge de cet acteur, lui fit proposer de s’attacher à son service. Constantini accepta l’offre avec reconnaissance et s’étant rendu à sa cour, ce prince le chargea de lui former une troupe d’acteurs assez complète pour pouvoir jouer alternativement des comédies et des opéras italiens. Constantini repassa en France, en 1698, et s’acquitta de sa commission tellement au gré du roi, que ce monarque lui fit expédier en 1699 un brevet qui lui donnait le titre de noble, avec la charge de camérier intime, trésorier de sa chambre. Une place aussi honorable semblait devoir fixer le sort de Mézetin ; mais le penchant hardi et entreprenant de cet acteur, qu’il poussait souvent jusqu’à l’imprudence, surtout avec les femmes, lui firent adresser ses vœux à une dame que le roi Auguste honorait du titre de sa maîtresse ; et Mézetin joignit à sa déclaration des discours peu mesurés sur le compte du roi. Cette personne fut si outrée de l’impudence de Mézetin que non-seulement elle en parla au roi, mais qu’elle engagea ce prince à se placer dans un endroit de son appartement d’où il entendît, sans être vu, les discours de Mézetin. Auguste sortit furieux, le sabre à la main dans le dessein d’abattre la tête à ce téméraire lorsque, rentrant en lui-même, il sentit qu’il ne lui convenait point de souiller sa main du sang d’un homme qui l’avait trahi si indignement. Il le fit arrêter et conduire au château de Konigstein ; Mézetin demeura plus de vingt ans dans cette prison ; enfin une autre dame, qui avait du crédit sur le cœur et l’esprit d’Auguste, engagea ce prince à lui faire voir le château de Konigstein ; Mézetin parut avec une barbe qu’il avait laissé croître depuis sa détention, et se jeta aux pieds du roi. La dame appuya les supplications du prisonnier ; mais Auguste fut inexorable ; cependant au bout de quelques mois Mézetin fut remis en liberté, et on lui rendit tous ses effets avec ordre de sortir de Dresde et des états de Saxe.
Constantini revint à Vérone, sa patrie ; mais il y resta peu de temps ; le désir de revoir Paris, et plus encor de reparaître sur un théâtre où il avait obtenu tant d’applaudissements, le ramena en cette ville à la fin de l’année 1728. Il avait alors soixante et quinze ans. Les comédiens italiens le reçurent comme un ancien camarade. Il leur proposa de jouer avec eux dans cinq ou six pièces moyennant mille écus. Ses offres furent acceptées et on lui compta la somme .
Cet acteur fut reçu favorablement du public, qui lui donna toutes sortes de marques de bienveillance. Ayant rempli ses engagements il retourna aussitôt à Vérone, où il mourut quelques jours après son arrivée vers la fin de l’année 1729.

Galerie dramatique, ou Acteurs et actrices célèbres qui se sont illustrés sur les trois grands théâtres de Paris. 1809

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