Composition du spectacle
C’était un art autrefois que la composition du spectacle lorsque les théâtres de genre avaient la coutume de donner chaque jour trois ou quatre pièces différentes. Les spectacles alors étaient variés, et les directeurs s’ingéniaient à composer leur affiche de façon à montrer successivement au public leurs meilleurs artistes dans le cours de la même soirée, en même temps qu’ils s’efforçaient de diversifier les impressions du spectateur en lui offrant tour à tour des pièces gaies, sentimentales, dramatiques, etc. On faisait toujours en sorte, autant que possible, de faire partir le public en éclat de rire, en terminant le spectacle par une bouffonnerie plus ou moins complète. Depuis vingt ans, on n’a plus à prendre la peine de composer un spectacle ; tous les théâtres, depuis les plus grands jusqu’aux plus petits, ont pris la singulière habitude de ne plus jouer que de grandes pièces, tenant toute la soirée, et n’offrant au spectateur qu’une impression unique. Quand une pièce obtient du succès, elle reste stéréotypée sur l’affiche pendant cent, deux cents, trois cents représentations, et on épuise ce succès de telle façon que la pièce ensuite n’est plus jouable à aucun prix. Lorsque, par contre, l’ouvrage sur lequel on comptait ne réussit pas, on n’a plus, comme autrefois, un répertoire vaste et varié à sa disposition qui permette de faire au moins des demi-recettes en attendant un spectacle nouveau, et l’on a vu deux ou trois échecs successifs mettre à deux doigts de sa perte un théâtre en grande vogue et le perdre dans l’estime du public. Les théâtres seront obligés de renoncer, un jour ou l’autre à cette dangereuse façon de procéder, et la fatigue même du public les forcera de revenir à l’ancien usage des spectacles coupés.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885
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