Comédien du roi
C’est le titre officiel que portaient les acteurs de la troupe de Molière, devenue en 1680, quelques années après la mort du maître, la Comédie-Française, par suite de sa jonction avec celle de l’Hôtel de Bourgogne. Plus tard, les acteurs de la Comédie-Italienne, lorsque, ainsi que ceux de la Comédie-Française, ils eurent été subventionnés par le souverain, reçurent et privent aussi ce titre de « comédiens du roi », qui d’ailleurs n’était pas purement honorifique. On peut dire, en effet, que les comédiens de ces deux théâtres étaient réellement au service du roi, car non seulement ils allaient souvent jouer à la cour lorsque le prince était à Paris, mais ils étaient fréquemment appelés auprès de lui dans les résidences d’été, soit à Versailles, soit à Fontainebleau, soit à Chambord, et c’était même la plupart du temps à la cour qu’avaient lieu les premières représentations d’ouvrages importants, ouvrages dont le public parisien n’avait que très rarement la primeur.
Au reste, outre la subvention, les comédiens devaient à cette situation d’autres avantages très palpables, que Chappuzeau nous fait connaître ainsi dans son Théâtre-François (1675) :
Ils sont tenus, dit-il, d’aller au Louvre quand le Roy les mande, et on leur fournit de carrosses autant qu’il en est besoin. Mais quand ils marchent à Saint-Germain, à Cambor, à Versaille, ou en d’autres lieux, outre leur pension qui court toujours, outre les carrosses, chariots et chevaux qui leur sont fournis de l’Écurie, ils ont de gratification en commun mille écus par mois, chacun deux « escus par iour » pour leur dépense, leurs gens à proportion, et leurs logements par fourriers. En représentant la comédie, il est ordonné de chez le Roy à chacun des acteurs et des actrices, à Paris ou ailleurs ,esté et hyver, trois pièces de bous, une bouteille de vin, un pain, et deux bougies blanches pour le Louvre ; et à Saint-Germain un flambeau pesant deux livres ; ce qui leur est apporté ponctuellement par les officiers de la fruiterie ; sur les registres de laquelle est couchée une collation de vingt-cin escus tous les jours que les comédiens représentent chez le Roy, estant alors commensaux. Il faut ajouter à ces avantages qu’il n’y a guère de gens de qualité qui ne soient bien aises de régaler les comédiens qui leur ont donné quelque lieu d’estime ; ils tirent du plaisir de leur conversation, et savent qu’en cela ils plairont au Roy, qui souhaite que l’on traite favorablement. Aussi voit-on les comédiens s’approcher le plus qu’ils peuvent des princes et des grands seigneurs, sur tout de ceux qui les entretiennent dans l’esprit du Roy, et qui, dans les occasions, savent les appuyer de leur crédit.
Ce titre de « Comédiens du Roi » ne fut jamais donné aux chanteurs de l’Opéra, théâtre subventionné pourtant sur la cassette, comme l’étaient la Comédie-Française et la Comédie-Italienne ; mais on doit remarquer que l’Opéra s’appelait officiellement l’Académie royale de musique. On sait que lorsque, à deux reprises, l’empire fut établi en France, les « comédiens ordinaires du roi » devinrent les « comédiens ordinaires de l’empereur ».
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885
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