Camarade
C’est le nom que les comédiens se donnent entre eux ; ils ne se traitent jamais de confère, mais de camarade et disent d’un des leurs : C’est une bonne camarade, un mauvais camarade, pour indiquer la nature de son caractère et les relations qu’on peut avoir avec lui. « On suit la même carrière, a dit un écrivain de théâtre, on joue dans les mêmes pièces, on assiste aux mêmes assemblées, on se voit dans les mêmes foyers, on est camarade enfin ; mais on n’est pas ami. »
La réflexion est juste, et, pas plus au théâtre qu’ailleurs, l’amitié n’est commune. Il n’en est pas moins vrai que ce mot de camarade, ainsi employé, présente quelque chose d’aimable, de familier et de cordial qui est loin d’être sans grâce.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885
Celui qui exerce la même profession qu’un autre. Au théâtre ce mot est rarement synonyme d’ami, et cependant, dans l’intérêt de l’art, il devrait toujours l’être. On pourrait, à ce terme grivois de camarade, en substituer un autre un peu moins commun, tel que ceux dont on se sert dans les professions qui tiennent aux Sciences, aux Arts ou aux Belles-Lettres. Ce nom, d’ailleurs, semble trop rapprocher les simples manœuvres des véritables artistes. (Ceci nous rappelle l’anecdote suivante : Un acteur célèbre de l’Opéra, voulant payer à un décrotteur son petit salaire, celui-ci, de la meilleure foi du monde, le refusa en disant qu’il ne prenait jamais d’argent de ses camarades. Et il ajouta : - « C’est que je suis aussi de l’Opéra ; c’est moi qui fais les rôles de Monstres, comme vous les rôles de Rois… - Ah ! pardon, mon camarade, de ne pas vous avoir reconnu plus tôt, » lui dit l’artiste, en lui faisant une profonde révérence). – On objectera que souvent les officiers et même les généraux traitent leurs soldats de camarades ; à la bonne heure, c’est un terme guerrier, qui peut mieux du moins leur convenir. Malgré cela, ce titre alors ne pouvant être réciproque, ni réversible des derniers aux premiers, on sent bien que cette façon amicale n’est qu’un détour, un prétexte dont se sert un supérieur, pour se mettre un moment au niveau de son subalterne. Quoi de plus inconvenant encore que de se tutoyer et de s’appeler mutuellement un tel ou la une telle, comme à peine on le pratique dans les plus viles conditions ? Ce tutoiement ne choque point les bonnes mœurs il est vrai ; mais à l’égard des femmes il choque tout au moins la politesse et la véritable galanterie ; et s’il est permis quelquefois au respect d’être un peu familier vis-à-vis d’elles, il faut aussi que la familiarité soit toujours un peu respectueuse. Nous convenons que, dans le monde, chez le militaire, parmi les jeunes gens de qualité, on se tutoie quelquefois et l’on s’appelle un tel indifféremment ; mais il n’y en a aucun quine s’abstienne de ces façons de parler vis-à-vis des dames, et l’on ne voit guère un étourdi de 18 ans tutoyer un homme de 60 ans, comme on le fait souvent parmi les gens de théâtre. Vous n’entendrez jamais les personnes bien nées nommer, par exemple une actrice vivante sans y joindre le titre de Mademoiselle ou de Madame. Ce n’est ordinairement qu’après leur mort qu’on le retranche.
Encyclopédie de l'art dramatique / par C.-M.-Edmond Béquet - 1886
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