Benvenuto Cellini
Opéra de Berlioz
Opéra en trois actes (quatre tableaux)
Livret de Léon de Wailly et Auguste Barbier, d’après les Mémoires de B. Cellini
Musique d’Hector Berlioz
Création
Version original en deux actes : 10 septembre 1838, à l’Opéra de Paris (ce fut un échec : vingt-neuf répétitions furent nécessaires, il n’y eut que sept représentations). Version remaniée (et définitive) en trois actes : 20 mars 1852, à Weimar (sous la direction de Liszt, qui défendit vigoureusement l’ouvrage).
Personnages
- Benvenuto Cellini, orfèvre (ténor)
- Fieramosca, scupteur du pape et rival de Cellini (baryton)
- Giacomo Balducci, trésorier papal (basse)
- Teresa, sa fille (soprano)
- Ascanio, élève de Cellini (rôle travesti : mezzo-soprano)
- Le cardinal Salviati (primitivement le pape Clément VII : le rôle fut transformé par exigence de la censure parisienne, et devint celui de légat du pape ; il a été récemment rétabli) (basse)
- Francesco, apprenti de Cellini (ténor)
- Bernardino, apprenti de Cellini (basse)
- Pompeo, un spadassin (baryton)
- Petits rôles, chœur.
Argument
L’action est située en 1532 à Rome, durant le Carnaval.
Premier acte
En l’absence de son père, le trésorier papal Balducci, Teresa accueille Cellini, le célèbre fondeur et ciseleur florentin ; tous deux décident de fuir ensemble, à la faveur des déguisements du Mardi gras.
Deuxième acte (deux tableaux)
Un des élèves de Cellini, Ascanio, lui remet un sac de ducats de la part du pape, à la condition que la statue de Persée soit fondue dès le lendemain ; Fieramosca, rival de Cellini, se dispose, pour ma part, à enlever Teresa. Le second tableau de cet acte présente l’image colorée du Carnaval sur la place Colonna : Cellini se prépare à enlever Teresa, mais Fieramosca se présente ; Cellini tue le spadassin engagé par Fieramosca et prend la fuite, tandis qu’Ascanio, emmène promptement Teresa.
Troisième acte
Cellini se dispose à quitter Rome avec Teresa ; surviennent Balducci et le légat du pape : Cellini aura la vie sauve et pourra épouser Teresa s’il fond sur l’heure la fameuse statue. Dans son atelier, Cellini réussit ce prodige.
Le compositeur
Berlioz (né à la Côte-Saint-André, en Isère en 1803, et mort à Paris en 1869). Il fut d’abord un autodidacte de la musique (fils de médecin, il s’engagea d’abord dans des études médicales), puis entra au Conservatoire de Paris en 1826, où il fut l’élève de Lesueur (le compositeur des Bardes) et de Reicha ; il n’obtint le Grand Prix de Rome qu’après trois échecs successifs. Mais il était déjà l’auteur de la Symphonie fantastique, qui fut accueillie avec enthousiasme. Il commença en 1830 une très brillante carrière de critique musical, puis devint en 1839 conservateur de la bibliothèque du Conservatoire.
Presque toute la musique de Berlioz est conçue dans un esprit dramatique ; mais l’indifférence du public à l’égard de son œuvre théâtrale, après l’échec de Benvenuto Cellini, lui barra l’accès à une forme musicale vers laquelle ses dons le portaient naturellement : lorsque, après la Damnation de Faust (1846) et Béatrice et Bénédict (1862), il entreprit de faire représenter les Troyens dans la forme originale, il réussit seulement à faire jouer la seconde partie de ce diptyque, les Troyens à Carthage (1863), et mourut sans avoir assisté à la représentation complète de son chef-d’œuvre.
L’œuvre
Tiré des truculents Mémoires de Cellini, l’opéra de Berlioz apparaît aujourd’hui comme un magnifique essai manqué : le compositeur, en effet, tente d’adapter ses conceptions de musique représentative – réalisés avec succès dans la Symphonie fantastique, par exemple – à celles de l’opéra classique de son temps. Mais l’audacieux Berlioz demeure prisonnier de ses modèles : il lui faut plaire, et son opéra emprunte autant à Gluck qu’à Spontini, voire à Rossini et à Meyerbeer ; d’où le disparate du langage où par exemple, des airs aux vocalises conventionnelles voisinent avec d’autres, d’un lyrisme sobre ; où des récitatifs tragiques succèdent au tourbillon du Carnaval ; où la Rome de la Renaissance n’est évoquée que par touches pittoresques mêlées au style de l’opéra traditionnel : Berlioz « fait de l’illustration là où Shakespeare, Wagner ou Verdi créeraient un climat » (J. Lonchampt). Cependant, les réussites de détails abondent dans cette partie brouillonne, maladroite, mais extraordinairement vivante et gaie : il suffit de citer le tableau du Carnaval, dont on remarque la verve rythmique et l’orchestration étincelante, ou l’air de Cellini, en forme de très bel andante, au dernier acte de l’ouvrage… Œuvre hybride et luxuriante, où éclate un mouvement incessant, qu’on ne retrouvera plus dans les opéras de la maturité. Pour faire entendre au concert ce qui avait été refusé à l’Opéra, Berlioz a composé en 1844 une seconde ouverture à son ouvrage, intitulée Carnaval romain : il reprend presque textuellement le duo du premier acte entre Cellini et Teresa et le grand chœur du Carnaval ; pièce orchestrale où le génie de l’instrumentation et l’exceptionnel instinct rythmique du musicien triomphent.
Discographie
Un enregistrement intégral possible.
N. Gedda (Cellini), C. Eda-Pierre (Teresa), J. Berbié (Ascanio), J. Bastin (Balducci), R. Massard (Fieramosca), Orch. Symp. BBC, dir. C. Davis (4 disques, Philips).
François-René Tranchefort. L’Opéra, Le seuil 1978