Acoustique des instruments à embouchure de flûte
Les instruments à embouchure de flûte, flûtes à bec, flûtes traversières ainsi que certains tuyaux d’orgues, ont en commun le mode d’excitation. Le premier problème est que le système excitateur est en partie lié de façon rigide au résonateur. En d’autres termes, la partie non linéaire est, pour une part, fixée de manière irréversible à la partie linéaire. Dans le cas des tuyaux d’orgues et de la flûte à bec, c’est la même tonalité du système « lame d’air-biseau » qui est irréversiblement au tuyau.
Ce système « lame d’air-biseau » est l’équivalent « débit » (ou « vitesse ») de l’anche des instruments fonctionnant en pression. Il est aussi non linéaire que le précédent système, et la figure 6 donne l’allure de cette non-linéarité.
Ce système hydrodynamique est mal connu ; néanmoins on sait que, pour une vitesse du jet minimale à la base du jet (voir fig. 7), l’instrument se met à fonctionner. On sait également qu’un jet d’air (ou un fluide quelconque) débouchant dans le même milieu avec une vitesse suffisante a tendance à se tordre de manière sinueuse, à onduler comme un serpent, en même temps qu’il s’élargit rapidement. Cette « sinuosité » peut être assimilée à une perturbation qui se propage le long du jet avec une vitesse qui dépend de la pression dans la bouche du musicien.
On conçoit facilement que, si on place sur le trajet du jet un obstacle fin (biseau), le jet va passer alternativement de part et d’autre de l’obstacle, avec une fréquence qui va dépendre de la pression qui génère le jet et de la distance entre l’origine du jet et l’obstacle. Si la distance est trop grande, le jet sera « dilué » dans le milieu (l’air) et il n’y aura pas d’effet. Si la pression est trop faible, l’oscillation sera trop faible. Si la pression est trop forte, d’autres phénomènes interviendront, qui n’auront que peu de rapports avec la musique. La figure 7 montre l’évolution de la perturbation et son influence sur la forme du jet.
Il est clair que c’est cette perturbation qui va engendrer dans l’instrument les bouffées de débit qui, comme pour les instruments à anche, vont se réfléchir sur l’extrémité ou au premier trou ouvert (réflexion sans changement de signe car onde de vitesse) et revenir chercher de l’énergie au niveau de l’embouchure. Il est aussi clair que si le jet est extérieur au tuyau (figure 7c) l’entretien du système ne se fera pas. On voit donc que, pour que cet entretien se fasse correctement, il faut que le jet soit plus ou moins intérieur quand l’impulsion initiale de débit arrive au niveau de l’embouchure. Pour obtenir ce résultat, on peut jouer soit sur la distance du pied du jet au biseau, soit sur la pression d’alimentation. Un paramètre important pour le timbre de l’instrument est la position moyenne de ce jet par rapport au biseau.
On pourra à ce sujet consulter avec profit les travaux de Fletcher et Coltman. Le phénomène de l’excitation est complexe et a été étudié au XIX° siècle par Rayleigh et Helmholtz. On se rend bien compte de ce qui se passe en imaginant une balançoire au sommet de sa trajectoire ou à son point le plus bas. Dans le premier cas, on lui redonne de l’énergie à vitesse nulle, dans le second, à vitesse maximale. Entre ces deux points, il s’agit de doser la manière de communiquer l’énergie, sans jamais s’opposer au mouvement de la balançoire au risque de l’arrêter. La même chose se produit dans l’entretien par le jet d’air. Si le jet se dirige vers l’extérieur quand l’impulsion initiale revient, au lieu de lui communiquer de l’énergie il lui en retirera et l’instrument risque de ne pas fonctionner. Il y a par contre, toute une zone dans laquelle le jet rentrant dans le tuyau redonne de l’énergie (plus ou moins) à l’impulsion qui se réfléchit. Au-delà, le régime d’oscillation n’est pas stable et de nombreux phénomènes (multiphone, passage au régime supérieur…) se succèdent.
On trouvera une description détaillée de ce phénomène complexe dans « La Physique des tuyaux d’orgues » de Fletcher et Thwaites, repris dans Les Instruments de l’orchestre.
Vincent Gibiat. CENAM 1988.
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